Lors de l’instauration de la taxe au sac il y a dix ans, plusieurs communes avaient mis en place des récoltes de plastique dans leur déchetterie pour soulager le porte-monnaie des ménages responsables. Mais, depuis quelques années, le vent a tourné.
La plupart des communes ont renoncé à ces collectes, renvoyant les pots de yaourts, films alimentaires et autres emballages dans le sac blanc. Au grand dam des citoyens qui ont pris cette mesure comme un retour en arrière. A Mies, un postulat demandait il y a une année de «réintroduire la benne plastique», alors qu’à la même période, les employés de la ville de Gland essuyaient insultes et menaces suite à l’arrêt des collectes.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le plastique «mou» déposé à la déchetterie était pourtant simplement incinéré… comme les ordures ménagères. «C’était une mesure plus sociale qu’environnementale. Elle a tendance à disparaitre au profit des collectes de flaconnages, briques à boissons ou sagex pour lesquelles des filières de valorisation «matière» existent», explique Didier Christen, directeur de la Société anonyme pour le traitement des déchets de La Côte (SADEC).
Concrètement, les collectes de plastiques mixtes rejoignaient directement les ordures ménagères pour être brûlées ensemble. Même si la chaleur émise par l’incinération est valorisée pour chauffer des ménages, la valorisation de ces déchets est bien moins grande que s’ils avaient une nouvelle vie. A Mies, la Municipalité a répondu au postulat en mettant en place une collecte des flaconnages et du sagex.
Nouvelle filière
La donne pourrait à nouveau changer à la suite de l’acceptation à Berne d’une motion du conseiller national saint-gallois PLR Marcel Dobler pour «doper le recyclage». Aujourd’hui, seule 10% de la matière que nous produisons est retransformée, selon l’Office fédéral de l’Environnement.
La faîtière Swiss Recycling s’est saisie du problème en lançant un plan national avec les principaux distributeurs, recycleurs, secteurs publics et producteurs d’emballages. L’objectif est ambitieux: harmoniser la récolte du plastique à l’échelon national d’ici 2030 et créer les infrastructures de tri et de recyclage manquantes sur terre helvétique.
«Comme ça a été le cas pour le PET dans les années 1990, notre objectif est que la solution vienne du secteur lui-même, explique Jasmine Voide, responsable de projet en économie circulaire chez Swiss Recycling. Ce seront les recycleurs qui prendront la décision d’investir ou non.»
Le chemin pour y parvenir s’annonce encore long et sinueux. Actuellement, certains des déchets sont acheminés jusqu’en Allemagne ou en Autriche pour obtenir une nouvelle vie, par manque d’infrastructure sur le sol suisse. La faute aux volumes de matières, encore insuffisamment importants pour rentabiliser la création d’usines.
En 2022, les 638 communes partenaires de l’Association suisse des recycleurs de plastiques (ASRP) ont collecté 9447 tonnes de déchets. Un chiffre en augmentation mais encore loin des 20’000 tonnes de détritus annuels nécessaires pour rendre viable un centre de tri suisse.
La mise en place d’un système unique permettra d’accélérer cette industrie. D’autant que la marge de progression est encore grande: seules 30% des communes suisses sont membres de l’ASRP. En alliant le réseau déjà existant aux plus de 60 entreprises et organisations qui travaillent avec Swiss Recycling à un nouveau système de collecte, les objectifs de volumes devraient aisément être atteints.
Un nouveau sac taxé?
Les contours et les modalités de ce nouveau système national restent à définir.
Actuellement, les communes membres de l’ASRP organisent une collecte ciblée de chaque type de plastique, optant pour un tri des usagers. Flaconnages, sagex, briques à boissons et PET sont dans des bennes séparées à la déchetterie ou dans des écopoints.
D’autres modèles existent ailleurs, comme le Sammelsack, déjà présent en Suisse allemande, qui permet d’amener des sacs de plastiques en vrac dans des points de collecte. Envoyés à l’étranger pour être triés, ils sont ensuite rapatriés en Suisse pour être réduits en granulats qui serviront à produire des tuyaux ou certains moules. La partie non recyclable est utilisée comme combustible dans une cimenterie.
«Le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas»
Sac taxé, points de collecte ou autre solution: quel modèle sera choisi pour le futur projet national harmonisé? Rien n’est encore décidé. «Nous ne pouvons pas encore vous dire aujourd’hui à quoi ressemblera concrètement le modèle du système de collecte», nous confirme Jasmine Voide.
L’issue de ces travaux est attendue avec impatience par les communes. Mais Didier Christen souligne que nous ne devons pas nous reposer sur ce projet pour continuer de produire autant de détritus.
«La Suisse est championne du recyclage, mais nous sommes également 3ème Européen en termes de quantité de déchets par habitant. Nous avons encore trop tendance à nous déculpabiliser en triant», souligne le directeur de la SADEC, rappelant encore que «le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas».